Les chroniques de Han-Maison
Chapitre 6
Ce que je vois sous mes yeux n’a, je crois, jamais été vu dans l’histoire de la Terre. On l’aperçoit très distinctivement. La noirceur presque totale se transforme en une marée de lumière. Je retiens mon souffle. Le changement est trop drastique. Ma vision se teinte de points lumineux et je n’arrive plus à voir. Je ferme mon œil fort, fort, fort. Lorsque je l’ouvre, le Soleil est là. Je ne l’ai pas vu depuis plus de 130 jours. Il est magnifique. Jaune, orange, presque rouge. Énorme. Je crois que c’est le plus beau jour de ma vie. Je me rends compte que j’ai haï ces derniers mois. Mes barrières sont en train de fondre. Je déteste le noir. Je le vois tous les jours dans mon œil droit. Un sentiment grandi au creux de mon ventre et s’élève dans mon cœur. Je ne sais pas ce qui nous attend dans cette aventure, mais j’ai l’impression qu’on va enfin pouvoir vivre.
Deux heures plus tard, l’avion se pose. Le sable se soulève et nous empêche de voir les environs. On se regarde. Personne ne sait ce qu’on doit faire. Notre consternation est interrompue par la porte du commandement de l’avion qui glisse pour s’ouvrir. Le monsieur en sort. Je le vois pour la première fois à travers le hublot. Il ressemble vaguement à ce que j’imaginais. Grand, imposant, avec les cheveux bruns frisés. Ses traits sont grossiers et il a de grosses mains. Je lui donne entre la fin trentaine et le début quarantaine. Je ne sais pas trop ce que Linda lui trouve, mais moi il ne me fait pas une très bonne impression. Comme s’il entendait mes pensées, il tourne sur lui-même et me fixe à travers la vitre. Ses yeux sont d’un vert perçant. C’est peut-être ça qui a conquis Linda. Il se met à monter les escaliers. Il va entrer dans l’habitacle.
« Tout le monde sort! La maison est à trois kilomètres, on va marcher. ».
Il regarde le fauteuil de Pit.
« Ou rouler ».
Je me lève pour aider Mamie à se redresser et sortir. L’âge lui a fait cadeau de troubles de perte d’équilibre et, avec ce voyage, elle doit assurément avoir des vertiges. Au moment de poser le pied à l’extérieur, l’appréhension s’empare de moi. Je regarde autour et je ne reconnais pas… le monde. Nous sommes à l’aéroport de Lisbonne. Cette ville est mondialement reconnue pour être une superbe destination au bord de l’eau. Mais il n’y a pas d’eau. Sa seule trace encore visible est la délimitation des maisons qui s’arrêtent pour marquer l’endroit où la plage commençait. Le reste a été remplacé par un immense étendu vide et sablonneux. Un désert. Un autre élément cloche dans la ville.