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J’aimerais vous parler de Handi-capable, un organisme qui me tient à cœur! L’aventure de Handi-capable a commencé en 1978, lorsque douze personnes handicapées physiques ont décidé de créer une coopérative de travail qu’elles ont baptisée La Fourmilière. Au début, ils ouvrent un atelier pour la fabrication d’objets en bois, mais l’OPHQ, qui vient de lancer un programme d’intégration au travail pour les personnes handicapées, ne retient pas ce projet.

Après plusieurs démarches, la production de plantes à partir du bloc de culture est lancée sous le nom d’Écono-Mix. Après 7 années d’opération, La Fourmilière réoriente son action, car elle ne peut faire face à la compétition.

Avec l’apparition de l’intégration au travail des personnes handicapées capables d’occuper un emploi sur des postes adaptés, ce sont des organismes comme Trav Action et CAMO qui prennent en charge ce développement.

Alors, en 2000, La Fourmilière se transforme en un organisme de bienfaisance pour travailleurs handicapés physiques capables et désireux de travailler, mais incapables de s’intégrer au marché régulier de l’emploi. Handi-capable est né.

Comme tout organisme, Handi-capable vise une clientèle cible qui est rejointe par notre mission. Ainsi, le besoin étant pour les personnes handicapées physiques qui avaient peu de ressources au niveau du travail, l’organisme a défini son action envers eux.

Quant aux personnes déficientes intellectuellement, il y avait déjà et existe toujours des structures bien établies qui leur permettent de travailler en atelier et de se réaliser.

Tandis que, pour les personnes handicapées physiques, la diversité des handicaps ou maladies handicapantes nécessitaient une démarche particulière.

En fait, notre mission est de permettre aux personnes handicapées physiques de se regrouper au sein d’un réseau qui se veut avant tout un milieu où ils pourront partager à différents degrés sur leurs valeurs et démarches communes liées au travail.

Mais précisons que notre action ne porte pas sur l’aide à la recherche d’emploi. Il y a Trav Action qui agit en ce sens.

Notre groupe en est un d’entraide mutuelle par tous les moyens capables de nous aider à avancer dans nos objectifs personnels en regard au travail.

Dans cette optique, nous référons les personnes qui le nécessitent à d’autres organismes qui répondent à leur besoin particulier, que ce soit pour la recherche d’emploi, la défense de leurs droits, le transport adapté, etc.

Notre intervention en est alors une de soutien des personnes handicapées physiques dans leurs démarches auprès d’employeurs ou de clients éventuels.

Handi-capable repose en fait sur les valeurs nobles du travail qui sont au cœur de notre préoccupation. Chacun de nous désirons apporter notre contribution au sein de la communauté par une implication personnelle qui permettra d’enrichir notre société. Nous croyons aussi à notre droit à l’épanouissement à travers des actions concrètes qui nous démarquent les uns des autres. Nous partageons le souhait d’être financièrement autonomes et de tirer notre revenu d’un emploi.

Nous espérons également que notre détermination à dépasser les préjugés permettra un nouveau regard des autres membres de la société sur ce que nous pouvons leur apporter.

Il est bien entendu que ce ne sont pas toutes les personnes handicapées physiques qui vivent l’exclusion par rapport au travail. Je connais des gens qui, après l’événement qui a causé leur handicap, ont continué de travailler parce qu’ils font un travail intellectuel et sont capables de satisfaire aux exigences du rendement.

Mais ce n’est pas le cas de la plupart des personnes handicapées que j’ai connues. Elles n’ont pas accès à un emploi parce que leur profil ne correspond pas aux exigences établies pour les emplois offerts : formation, expérience, force physique, dextérité, disponibilité, etc.

Spécifions cependant que le fait qu’elles soient tenues à l’écart du monde de l’emploi découle davantage d’un processus de sélection qui favorise les meilleurs que d’une volonté explicite de les exclure.

Dans ce sens, l’exclusion est pour moi la condition de non-reconnaissance de notre droit au travail. La personne handicapée physique a, comme les autres, des rêves, des désirs et des besoins des plus légitimes, mais peut finir par penser qu’elle n’a pas son droit au travail.

C’est pour cette raison que Handi-capable les regroupe pour permettre de se sentir à nouveau incluses et capables d’apporter le meilleur de soi. C’est un lieu de partage, de soutien et de reconnaissance. La seule chose que je regrette est que les personnes handicapées physiques ne puissent pas vivre cette dynamique plus largement.

Il faut comprendre que l’impossibilité pour une personne handicapée de vivre de ses revenus de travail a plusieurs conséquences sur sa qualité de vie. La plus importante est d’être condamnée à la pauvreté. N’ayant pas de rôle social actif, elle risque de se voir comme un(e) citoyen(ne) de seconde zone. Cette personne aura à déployer plus d’efforts qu’une autre pour donner un sens à sa vie, réaliser ses rêves, jouer un rôle actif dans sa communauté et trouver le bonheur.

Sa confiance en soi est profondément touchée, car si je ne peux me réaliser et apporter ma contribution au développement de la société, il est certain que je finirai par croire que je ne suis bon à rien. Cette mentalité conduit souvent à un retrait. La personne perd progressivement le goût de vivre des activités et se demande même comment elle pourrait y arriver, car il ne faut pas oublier qu’avec l’exclusion vient une condition sociale précaire. Solitude, précarité, perte de confiance en soi et tout ce qui en découle peut advenir lorsque l’on vit l’exclusion.

Handi-capable est très conscient de cela. C’est pourquoi des activités comme des rencontres de groupe, le chat une fois semaine, le site web, etc. sont si importantes pour les membres.

Le fait que nous vivions dans un monde capitaliste a aussi un impact sur nous, car c’est un système constamment à la recherche du maximum de profit. À tel point que, si l’embauche d’une personne handicapée répondant aux exigences en matière de formation et d’exécution du travail nécessite un aménagement du poste de travail, l’employeur préférera, à compétences égales, engager la personne non handicapée.

Pourtant, il y a des programmes de subvention couvrant ces frais qui permettent actuellement de compenser ce désavantage. Mais une société doit, pour assurer cette intégration, dépasser la logique économique selon laquelle si une personne handicapée coûte moins cher à l’État lorsqu’elle est inactive, il est insensé de chercher à tout prix à l’intégrer au monde du travail. Il faut considérer tout l’apport que chaque personne, handicapée ou non, peut offrir aux autres.

Pour y parvenir, l’un de nos membres, monsieur Maurice Richard* travaille depuis 20 ans à cerner et améliorer la condition des personnes handicapées face aux inégalités des chances.

Il a présenté un mémoire à sa députée qui fait partie, au gouvernement, du comité d’études sur le problème de la pauvreté. Ce mémoire sera déposé le 7 décembre prochain, à Sherbrooke, lors d’une consultation sur la lutte contre la pauvreté.

La principale revendication de ce mémoire concerne le manque de régimes spécifiques à la condition des personnes handicapées physiques.

En n’ayant aucun régime établi pour nous, nous sommes, en ce moment, dirigés vers l’Aide sociale et contraint de vivre à long terme une situation de précarité qui nous enferme dans la pauvreté.

Ce sont 28 000 personnes qui n’accéderont jamais au marché de l’emploi à cause de la lourdeur de leur handicap et qui, depuis 40 ans, sont dirigées à l’Aide sociale qui, pourtant, a été pensée pour une situation de dernier recours le temps de se remettre sur le marché de l’emploi.

Il faut donc inventer un régime adéquat à la situation et aux besoins particuliers des personnes handicapées physiques.

En plus, nous appuyons les revendications qui visent le sous-financement des logements, du transport adapté, du maintien à domicile, de la reconnaissance du conjoint en tant qu’aidant naturel, de la gratuité des médicaments après un retour au travail, etc. Tout ceci dans le but de sortir la personne handicapée d’un système qui, en ce moment, l’enferme dans un statut d’exclu et de permettre à toute la société de profiter de la participation de tous ses membres pour l’avancement et le développement de notre société.

Marc Bourgault

Note

* Marié et père, Maurice se déplace en fauteuil motorisé depuis 25 ans. Il est atteint d’une amyotrophie spinale de type 3, une maladie dégénérative. Maurice Richard est impliqué dans l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées depuis 1978.

Lexique

CAMO : Comité d’adaptation de la main-d’œuvre. Comité national dont la mission est de favoriser l’accès à la formation et à l’emploi des personnes handicapées.

OPHQ : Office des personnes handicapées du Québec. L’Office a pour mission de veiller au respect des principes et des règles énoncés dans la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale…

Trav Action : La mission de Trav Action est d’accompagner les personnes ayant des limitations fonctionnelles qui éprouvent des difficultés à obtenir ou à conserver un emploi. Le but étant d’accroître leur capacité d’intégration sur le marché du travail.