Le lundi 7 décembre dernier, Maurice Richard a participé au Rendez-vous de la solidarité, une rencontre de consultation organisée dans le cadre du Programme de lutte à la pauvreté du gouvernement du Québec. Il résume, pour nous, sa contribution à cette consultation.
Nous étions 35 organismes. Des syndicats, des organismes communautaires, des représentants de ministères. Plusieurs fonctionnaires étaient là. Ils n’avaient pas droit de parole. Marie-Andrée Lemieux, de l’OPHQ, était parmi ces fonctionnaires.
À 35, nous n’avons pas pu prendre la parole bien des fois. Je suis un des rares qui ai parlé plus d’une fois.
La première fois, c’est le Ministre lui-même qui m’a demandé d’intervenir pour savoir ce que je pensais de faire disparaître les catégories à la Sécurité du revenu.
Je lui ai dit que les personnes handicapées s’étaient retrouvées à l’Aide sociale en 1969, et que ce n’était pas notre place. Nous ne voulons plus être dans ce régime de transition en emploi et de dernier recours. Les catégories, pour moi, sont un faux débat. Le vrai problème est que l’on a tellement appauvri les pauvres, qu’ils n’arrivent même plus à se nourrir.
Le Ministre a été intrigué par l’idée de sortir les personnes lourdement handicapées de l’Aide sociale. Il est revenu là-dessus à quelques reprises, au cours de la journée.
J’ai invité le gouvernement du Québec à s’informer de ce qui se passe en Saskatchewan. Là-bas, ils ont sorti les personnes handicapées du BS, au printemps dernier.
J’ai dit que, en termes de logements, nous vivons une pénurie de logements type HLM accessibles; que cette pénurie s’est amplifiée avec le retrait du gouvernement fédéral; que nous voulons que le gouvernement provincial aille chercher les 7 milliards $ de surplus de la Société canadienne d’hypothèque et de logement.
Je lui ai dit que le transport adapté ne répond pas à tous nos besoins. Surtout le transport adapté en milieu rural.
Je lui ai parlé que les conjointes et les conjoints d’une personne handicapée ne sont pas considérés comme aidants naturels, et qu’il faut les inclure. Ce sont elles et eux qui sont les plus touchés.
Je lui ai aussi dit que, dans une famille, les personnes handicapées appauvrissent la famille.
J’ai parlé du fait que lorsqu’une personne handicapée se marie, elle perd ses droits à la Sécurité du revenu. Elle devient à la charge entière de l’autre. Ce geste va à l’encontre d’une valeur québécoise qu’est la famille.
J’ai dit aussi que le fait de passer par les élus a retardé le développement social du Québec. Beaucoup d’élus ne connaissent pas les problèmes sociaux. De plus, leurs mandats, là-dessus, n’étaient pas clairs.
J’ai dit que les enfants handicapés sont deux fois moins scolarisés que la moyenne des enfants non handicapés.
J’ai dit qu’à Sherbrooke, on a enlevé des services à domicile aux personnes handicapées pour pouvoir en donner aux personnes âgées. Je ne suis pas contre le fait de donner des services aux personnes âgées, mais cela s’est produit par manque d’argent.
J’ai reproché aux représentantes de l’Agence des services sociaux et de la Conférence régionale des élus de ne pas avoir parlé des personnes handicapées dans leur présentation.
J’ai dit au Ministre que les déductions d’impôt ne sont que de la poudre aux yeux pour la population. Pour nous, cela est inutile. Nous sommes trop pauvres pour payer de l’impôt.
J’ai dit qu’un encouragement à l’emploi pour les personnes handicapées serait que leurs médicaments soient gratuits à vie.
Je lui ai dit qu’en 1988, le Conseil des ministres a voté à l’unanimité que nous ne devions plus payer pour des biens et des services reliés à notre handicap. Nous attendons toujours la mise en place de cette compensation. Là-dessus, j’ai parlé de l’étude de l’OPHQ qui dit que, en moyenne, une personne handicapée consacre 250 $ de son revenu par mois pour des biens et des services reliés à son handicap. Cela fait qu’en fin de compte, les personnes à contraintes sévères à l’emploi ne sont pas plus riches que les autres, à la Sécurité du revenu.
En résumé, j’ai pas mal tout dit ce que j’avais à dire à cette rencontre. Ce que je déplore, c’est de ne pas avoir pu élaborer autant que je l’aurais voulu. Par contre, plusieurs autres points ont été soulevés par les autres intervenants. Je crois que le Ministre n’a pas été ménagé lors de cette rencontre. Il y aurait eu d’autres points auxquels j’aurais aimé apporter des précisions. Le temps nous a manqué.
Tout ce que nous avons dit fut enregistré. Plusieurs fonctionnaires prenaient des notes pour le ministère. J’espère que le Ministre ne retiendra pas seulement notre sortie de la Sécurité du revenu. Voilà une autre chose sur laquelle je n’ai pas pu élaborer. Je n’ai pas pu dire plus que ceci : « Nous ne voulons plus nous retrouver dans une structure vouée au travail. »
Maintenant, nous avons tous du pain sur la planche. Que voulons-nous comme contenu à cette structure? Pour moi, il est clair que je veux plus que ce qui nous est offert présentement. Salaire minimum pour tous, médicaments gratuits à vie. Soins dentaires et optométriques à 100%. En attendant la compensation, je ne veux plus payer pour mon handicap. Que je sois en couple ou non, je ne veux plus que les autres aient à payer pour moi.
Maurice Richard
Sherbrooke
Pour lire le mémoire de Maurice Richard, voir La pauvreté des personnes handicapées dans la section Les dossiers.